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L’Arabie Saoudite a frappé fort début mars en annonçant une augmentation massive de sa production pétrolière à l’issue de la réunion de l’OPEP à Vienne. Pour rappel, le leader de l’OPEP proposait une coupe de production de 1.5 millions de barils par jour afin d’endiguer la chute du cours du pétrole liée au ralentissement global de l’économie et au coronavirus. La Russie, pourtant allié de l’OPEP, n’a pas souhaité réduire sa production provoquant une forte réaction des saoudiens. Cette situation fragilise la plupart des pays producteurs de pétrole et ne semble pas tenable à long terme.

Par cette manœuvre, les Saoudiens ont privilégié leurs intérêts personnels en lieu et place de ceux de l’alliance. Leur stratégie vise à conserver leur part marché plutôt que d’augmenter la profitabilité de leur production. Avec le coût d’extraction le plus faible, l’Arabie Saoudite peut se le permettre mais elle n’en sortira pas indemne. En effet, les revenus du pétrole représentent environ 40% du produit intérieur brut (PIB). De plus, le pays s’est lancé dans le programme Vision 2030 qui vise à diversifier son économie. Pour ce faire, d’énormes dépenses d’investissements couplées à un baril en dessous de 30$ ne permettront pas d’atteindre aussi facilement leur objectif. Selon les sources, l’équilibre budgétaire du pays oscille entre 85$ et 90$ le baril. A ce rythme, les Saoudiens devront rapidement puiser dans leur réserve pour maintenir leur ligne.

Les Russes anticipent un ralentissement économique momentané et ne prévoit pas une baisse durable de la demande. Ils n’ont ainsi pas cédé à la requête de leur allié de couper la production. L’Arabie Saoudite a donc envoyé un signal fort aux russes. En effet, lors des précédentes coupes de production, les Saoudiens avaient en grande partie absorbé les baisses de production convenues avec les Russes, leur laissant ainsi un plus grand bénéfice. Riyad montre donc des signes de lassitude envers Moscou. La Russie subit les conséquences de leurs désaccords avec l’OPEP mais semble pouvoir encaisser la forte chute du prix du baril.  Le pays table évidemment sur les revenus liés au pétrole, dont la part du PIB se monte à 30%, mais l’économie russe est toutefois moins dépendante du secteur que l’économie saoudienne. Le ministre de l’énergie russe, Alexandre Novak, affirme que la Russie est capable de soutenir un tel choc d’offre pendant 6 à 10 ans. Le pays peut certes puiser dans son fond souverain pour soutenir ses dépenses mais, n’oublions pas, que Moscou équilibre son budget avec un baril de pétrole au-dessus de 40$. Vladimir Poutine a promis à son peuple de réduire la pauvreté et d’augmenter son pouvoir d’achat, et cette situation ne va pas faciliter la tâche du président russe. Dans cette partie d’échec, les Russes ont probablement en ligne de mire la part de marché grandissante, depuis 2014, des États-Unis et leur pétrole de schiste.

Les États-Unis sont devenus les principaux producteurs de pétrole grâce au schiste. Cette industrie, qui a fortement augmenté sa production par les progrès technologiques et la baisse des coûts d’extraction, va être pleinement exposée à cette chute de cours du pétrole. Le prix du pétrole est souvent mis en avant par Donald Trump, qui sait que le prix du gallon d’essence influence fortement son électorat. Mais le président doit jouer les équilibristes entre un prix avantageux pour les consommateurs et un bénéfice intéressant pour le pays. Le point d’équilibre se situerait aux alentours des 70$ le baril, ce qui permettrait aux revenus du secteurs pétroliers d’être rentables sans pour autant péjorer le prix à la pompe. Il a été calculé qu’une variation de 10$ du prix du baril se répercute de 25 à 30 cents sur le prix du gallon d’essence et qu’un delta de 1 cent sur le prix du gallon engendre une variation de 1 milliard par an la consommation américaine. La chute des prix pourra compenser certes un manque du revenu pétrolier par la croissance mais l’impact sur l’industrie du schiste sera plus marqué.

En 2014, lorsque la guerre des prix sur le pétrole a fait rage, les investisseurs ont soutenu les compagnies pétrolières actives dans le schiste. Cependant, sur la dernière décennie, les 34 plus grosses entreprises extractrices de pétrole de schiste ont dépensé 134 milliards de plus qu’elles n’en ont gagnés. Les investisseurs n’auront probablement pas la même envie cette fois-ci. Dans leur rapport, les entreprises américaines, comme notamment EOG Resources, affirment qu’elles sont désormais rentables avec un baril de pétrole entre 50$ et 60$ et qu’elles peuvent survivre à un pétrole en dessous des 40$. La preuve en est que la situation va rapidement devenir compliquée pour un secteur où les faillites de plus petites compagnies augmentent.

Les principaux protagonistes ne retirent pas de bénéfice direct de cette pression baissière sur les prix. Tout porte à croire que ce jeu d’influence se résoudra lorsque le plus faible craquera en premier. Toujours est-il que cette situation n’est pas faite pour durer et que pour les investisseurs particuliers, le pétrole semble offrir une opportunité d’achat sur le long terme. Les valeurs boursières solides, qui peuvent supporter une période de prix bas relativement longue, sont à privilégier (cf. tableau).